La privation de sommeil est un phénomène que nous subissons tous aujourd’hui. Ceci est un fait car les chiffres parlent d’eux-mêmes: nous avons perdu 1h30 de sommeil en 50 ans!
En effet, nous avons tous tendance à grignoter de plus en plus notre temps de sommeil pour profiter d’avantage de nos activités conscientes. Parfois même, nous pensons nous habituer à ce rythme acharné en se résignant à subir toute la semaine cette fatigue qui nous ronge petit à petit. Tout semble être plus important que le sommeil !Nous attendons alors le weekend pour enfin profiter de nos grasses matinées en pensant récupérer notre dette de sommeil. Je dis « penser » car ce n’est qu’un leurre. Notre compteur de sommeil ne se remet malheureusement pas à zéro en une ou deux nuits de 10h.
Historiquement, les études des effets de la privation de sommeil étaient appréhendées sur de courtes durées et en réalisant des privations extrêmes de sommeil. Par exemple, des sujets volontaires étaient maintenus éveillés pendant des périodes allant de 24 heures à cinq jours d’affilée. Ces essais de privation de sommeil aiguë ont montré comment le manque de sommeil altérait le système immunitaire, le métabolisme et d’autres voies physiologiques.
Cependant, vous conviendrez que ces études de privations drastiques de sommeil ne reproduisent pas du tout les habitudes de sommeil de la vie moderne qui seraient plutôt de dormir un peu chaque nuit, mais pas assez.
Afin de vraiment connaitre les conséquences de l’accumulation de ces courtes restrictions de sommeil quotidienne, les scientifiques ont effectué des essais plus longs, d’une durée généralement de 1 semaine à 2 semaines. Ce type de protocole est à cet égard immédiatement transférable à des situations du monde réel. Les premiers résultats ont pu montrer que les personnes qui ne dormaient pas assez avaient une tendance à développer des syndromes d’obésité, de diabète, des maladies cardiovasculaires, des cancers et même la mort.
Mieux comprendre comment le manque de sommeil, même minime, peut conduire à ces maladies est un des défis que nous, scientifiques, nous sommes fixés !
- Moins de 6 heures de sommeil par nuit réduit l’efficacité des vaccins.
Les déficits immunitaires résultant d’un mauvais sommeil peuvent également compromettre les réactions des personnes aux vaccins. L’année dernière, une équipe de l’Université de Californie a indiqué que 26 % des adultes d’âge moyen qui dormaient moins de 6 heures par nuit n’avaient pas été cliniquement protégés contre l’hépatite B six mois après l’injection des 3 doses de vaccins, contre seulement 3 % de ceux qui avaient dormi plus de 7 heures par nuit. (Prather et coll, Sleep 35, 1063–1069, 2012).
- Moins de 6 heures de sommeil par nuit altèrerait la structure même de notre ADN.
Certains chercheurs sont même allés plus loin en recherchant si le manque de sommeil pouvait altérer l’expression directe de nos gènes. Dans une étude publiée récemment, une équipe Anglaise de l’Université de Surrey a montré que moins de 6 heures de sommeil par nuit pendant une semaine altérait l’expression de plus de 700 gènes. Comme attendu, les gènes touchés correspondaient à ceux impliqués dans la réponse au stress, le système immunitaire et le métabolisme cellulaire. Cependant, de manière surprenante, les résultats ont également montré que ces restrictions même courte de sommeil pouvaient toucher la structure même des chromosomes ce qui n’est pas très rassurant (Möller-Levet et coll, Proc.NatlAcad.Sci. 110, E1132–E1141, 2013).
- Dormir une heure de plus chaque nuit soignerait certaines formes d’hypertension.
Conscients des effets néfastes de la restriction de sommeil sur la pression artérielle, des médecins ont récemment publié une étude très surprenante (Haack et coll, J. Sleep Res, jsr.12011, 2012). Dans cette étude, 13 patients possédant des signes précoces d’hypertension artérielle ont été sélectionnés sur la base de leur habitude à dormir moins de 7 heures par nuit. La consigne des médecins était de prolonger d’une heure par nuit la durée de sommeil pendant 6 semaines consécutives. En parallèle, 9 autres patients atteints également d’hypertension précoce devaient maintenir leurs habitudes de sommeil habituelles. Au terme des 6 semaines, le groupe de sujets qui avaient dormi une heure de plus chaque nuit a vu sa pression artérielle moyenne passer de 142/82 à 128/74 mmHg. En revanche, la pression artérielle des patients de l’autre groupe (en restriction partielle de sommeil) n’avait pas changé. Si cette étude est confirmée par d’autres dans le futur, la prise de médicament contre l’hypertension artérielle pourrait être largement diminuée, limitant ainsi leurs effets secondaires.
Il est donc vraiment important à mon sens que les médecins prennent en compte les habitudes de sommeil de leurs patients afin de dissocier les symptômes directement liés à des restrictions chroniques de sommeil. Se sensibiliser à l’importance d’une bonne nuit de sommeil est crucial ! En fin de compte, nous avons besoin de bien dormir maintenant pour éviter des problèmes de santé plus tard. Alors faites suivre ces informations autour de vous! Le sommeil est votre premier médicament naturel !! Prenez en soin !!
Bonjour, je suis un étudiant au collégial qui effectue une recherche sur le sommeil. Je trouve vos informations très intéressantes, mais est-ce qu’il serait possible d’avoir la source de vos informations?
Cordialement, Marc-Antoine
Bonjour Marc-Antoine, les références que j’ai utilisées dans cette article sont indiquées dans le texte… les voici ci-dessous:
– Haack et coll, J. Sleep Res, jsr.12011, 2012
– Möller-Levet et coll, Proc.Natl.Acad.Sci. 110, E1132–E1141, 2013
– Prather et coll, Sleep 35, 1063–1069, 2012
ce sont des articles scientifiques publiées
Bien cordialement…
Bonjour,
Je trouve que cet article est très intéressant et qu’il est facile d’en comprendre le contenu.
Un ami m’a récemment parlé du sommeil polyphasique qui impliquerait que nous ne dormions que quelques heures par jour à intervalle de temps régulier. Ces quelques petites pauses de sommeil par jour (15/30 min à chaque fois) permettraient de réduire le temps de sommeil nécessaire à un individu (2 à 5 heures par jour suffirai), sans altérer ses capacités physiques et intellectuelles; et d’augmenter la part de sommeil paradoxal. Je me demandais donc si les personnes ayant essayé cette méthode ne prenais pas un risque. Votre article a en partie répondu à ma question. Cependant, vous ne parlez que d’un sommeil monophasique. Les conséquences observée pour le sommeil monophasique sont telles les mêmes que pour le sommeil polyphasique ?
Bonne journée!
Bonjour,
merci pour votre commentaire Martin,
Mon idée est que notre organisme n’a pas été conçu pour un sommeil monophasique… La société nous impose ce rythme que nous avons parfois du mal à tenir. Naturellement, nous avons « tous » envie, si on prend le soin de s’écouter un minimum, de faire une sieste en début d’après-midi. Cette simple sieste d’une 20aine de minutes suffit déjà à fortement réduire notre durée de sommeil la nuit venue. En ce qui concerne le sommeil polyphasique, il n’y a pas pour l’instant d’étude à ma connaissance démontrant des effets néfastes de ce type de sommeil lorsqu’il est bien réalisé. Il apparait même que les capacités cognitives des individus soient augmentées. Le sommeil polyphasique n’est cependant pas donné à tout le monde, il est nécessaire d’être très motivé et d’être très rigoureux dans sa pratique. Une fois que le rythme est adopté, l’organisme va s’habituer… En revanche, changer de rythme régulièrement ou ne pas respecter le protocole du sommeil polyphasique pourra engendrer des problèmes de santé, liés à la privation de sommeil. Si vous voulez en savoir plus sur le sommeil polyphasique et sur des retours d’expérience, je vous invite à lire ce blog http://www.sommeil-polyphasique.fr/
Bon sommeil !
Super article ! Clair, précis.
Sinon, qu’est-ce qu’il en est des effets du manque de sommeil sur nos capacités cognitives ?
Salut Eric, merci pour ton commentaire. Effectivement le manque de sommeil perturbe les capacités cognitives en particulier en ce qui concerne le reflexes, les prises de décision et la gestion de ses emotions… Néanmoins certains apprentissages de taches dites automatiques semblent beaucoup moins perturbées.
Oui, je suis intéressé d’écrire un article invité sur ton blog sur le sujet sommeil.
Je m’excuse pour les erreurs. Il est 3 heure du matin, je ne dors pas encore et à 6 heure 3. debout.
13-Ami-callement
Excellent sujet d’actualité et un très bob log sur le sommeil. En parcourant cet article, j’ai appris plus aujourd’hui, particulièrement sur les conséquence du manque du sommeil.
actuellement, il y a des jours et des nuits où je dormais vraiment pas beaucoup. J’ai un grand défit à relever: dormir 50 heures par semaine.
Vu que tu traite d’un sujet qui me tient à cœur, je souhaite partager avec toi ici un article invité sur le sujet.
Alors si la proposition t’intéresse, fais-moi signe.
13-Ami-callement
Merci Aitbrad pour ton intérêt… désolé pour le retard de ma réponse… Je serais effectivement ravi de pouvoir partager avec toi un article. A bientôt
Très clair et synthétique. Je vous remercie.
Cependant, comment expliquez vous que certaines études montrent une associations entre dormir plus de 9 h par nuit (vs. 7h) et la survenue d’une hypertension? Une récente méta-analyse ne confirme pas cette théorie. Néanmoins, dormir plus de 7 h par nuit n’est pas un facteur protecteur vis à vis des pathologies cardiovasculaires.
Lin Meng, Yang Zheng and Rutai Hui. The relationship of sleep duration and insomnia to risk of hypertension incidence: a meta-analysis of prospective cohort studies. http://www.nature.com/hr/journal/vaop/ncurrent/full/hr201370a.html#fig3
Depuis de nombreuses année, on parle de courts et de long dormeurs. Cette notion semble erronée après lecture de ces résultats. N’y aurait il pas une durée « nécessaire » de sommeil commune à l’ensemble des individus? Ou s’agit il de biais méthodologique? Ne faudrait il pas refaire ces études en tenant compte des besoins physiologiques de sommeil?
Je vous remercie pour votre analyse.
A bientôt. 😉
Fabien
Bonjour Fabien, merci pour votre commentaire.
Il est clairement montré que le besoin de sommeil est génétiquement déterminé, caractérisant ainsi des petits dormeurs et des gros dormeurs. Néanmoins les récentes études semblent montré que 7-8 heures de sommeil sont nécessaires pour se maintenir en bonne santé. Dormir trop peu et même trop longtemps peut être néfaste pour la santé, et en particulier dangereux pour le coeur. Une des plus pertinentes études a été mené par le Dr. Arora l’année dernière. Cette publication montre clairement que les personnes qui dorment moins de 6h ont un risque multiplié par 2 d’accident vasculaire et d’attaque cardiaque, ainsi qu’un risque significatif d’infarctus du myocarde. Le plus surprenant est que les personnes qui dorment plus de 8h ont également des risques d’angine de poitrine multiplié par 2 et également des risques de maladies cardiovasculaires. Ces résultats suggèrent que dormir 6 à 8 heures par nuit est le moins dangereux pour notre santé à long terme. Les mécanismes physiologiques ne sont pas encore clairement définis mais le constat mérite d’être pris au sérieux, surtout pour les personnes à risques.
Mon avis est que la sensation de besoin de sommeil pourrait être comparée au seuil de douleur que nous pourrions avoir face aux brulures. Heureusement que la sensation d’une flamme sur notre peau nous avertit d’enlever notre main afin de ne pas brûler. Si ce seuil de douleur face à la flamme était plus haut, alors notre main commencerait à se détériorer avant d’avoir le signal de l’enlever… La sensation de sommeil que nous subissons chacun à notre niveau nous avertit que notre corps a besoin de se restaurer à plusieurs niveaux (métabolique, immunitaire, tissulaire, etc…). Je pense que les personnes qui pensent n’avoir besoin que de 3-4 heures de sommeil par nuit perdent cette alerte que notre corps doit nous envoyer. Il est donc important d’être vigilant et de ne pas trop limiter nos heures de sommeil.